L’indépendance est indispensable pour mettre fin à la situation du Québec comme nation annexée par le Canada anglais, situation dans laquelle il n’y a d’autre avenir que l’assimilation tranquille et les luttes défensives pour maintenir notre intégrité comme peuple.
1. Positionnement identitaire
Les Québécois ne sont pas une nation ethnique mais un État-nation à savoir une nation qui dispose d’un état apte à se gouverner lui-même et pour lui-même selon ses propres fins, ses propres valeurs, sa propre culture, ses propres lois. Conséquemment, les Québécois ne peuvent être assimilés aux nations autochtones ou à la nation acadienne et le Québec ne peut être considéré comme une province comme les autres. Le Québec dispose de toutes les bases d’une société avec sa population, son organisation, ses institutions, son droit, sa justice, sa culture, sa langue, son économie, sa manière de vivre, etc. Il constitue une société globale qui possède toutes ses institutions d’éducation, des garderies aux universités, en passant par les cégeps, de santé, des CLSC aux hôpitaux spécialisés, d’économie, de ses entreprises à Desjardins, à ses banques et à ses fonds d’investissement. L’historien Maurice Séguin démontre que ce qui constitue une nation, ce n’est pas tant la langue, la religion, la culture ou l’histoire commune mais le fait de se savoir distinct, de former une collectivité distincte et de vouloir vivre ensemble. Il existe en effet des nations dont la langue, la religion et jusqu’à un certain point la culture et l’histoire sont communes. C’est le cas des pays latino-américains qui n’en constituent pas moins des nations distinctes dotées chacune de leur État-nation.
Les Québécois n’avaient pas besoin d’être reconnus comme une nation distincte par le parlement canadian pour se savoir distincts. Ils le savaient depuis la conquête britannique de 1760 et même avant, se distinguant des Français par le terme « Canadiens ». En fait, les Québécois forment une collectivité nationale dont le territoire, le Québec, est le foyer et nulle part ailleurs. Ce n’est pas le cas des Anglais du West-Island ou des Italiens de Saint-Léonard qui sont des communautés ethniques dont le foyer national est ailleurs et qui ne disposent pas d’un État. Pour les Anglais du West-Island, leur collectivité nationale, c’est le Canada. Toute la stratégie fédérale consiste à atomiser les citoyens canadiens, tous égaux sous la Charte des droits, et à considérer le Canada comme une mosaïque culturelle composée à la fois de Chinois, d’Ukrainiens, d’Italiens, d’Anglais, d’Autochtones, de Québécois et d’Acadiens, sans distinction. La politique du multiculturalisme tente de soutenir les briques de cette création de l’esprit qui nie les faits et la réalité. Diviser pour régner, voilà le but inavoué. Les Québécois comme collectivité nationale et comme État-nation se sentent reniés et méprisés par cette illusion que le Canada entretient. Il s’agit d’une politique d’assimilation qui cache son nom.
Pour contrer les efforts de défenseurs de l’idée fédéraliste, il faut apprendre à raisonner selon la logique indépendantiste. Il s’agit dorénavant d’expliquer et de faire comprendre la notion de nation au sens intégral, soit l’agir par soi collectif, qui est au cœur même de l’existence d’une nation au sens étatique, juridique, sous le contrôle d’un gouvernement souverain. L’indépendance complète, ou la « vraie souveraineté », consiste à agir collectivement, majoritairement à tous les paliers, sur le plan central, sur le plan régional. Et la vraie nation souveraine est celle qui maîtrise majoritairement 1º l’État central, 2º et les États régionaux (locaux) si c’est le cas. D’où le fait que la nation indépendante est celle qui commande sa propre vie politique, qui gère sa propre vie économique et qui maîtrise sa propre vie culturelle tout en ayant le self government complet. Nous voulons être profondément maîtres chez nous et en même temps, présents au monde. Ce qui est fondamentalement le sens de l’indépendance, c’est-à-dire vivre par soi collectivement mais avec les autres selon le principe de l’égalité souveraine qui inclut la souveraineté de l’État. Nous ne serons les minoritaires de personne !
2. Où en sommes-nous ? Une nation annexée
Selon l’historien Maurice Séguin, le Québec est une nation annexée. Historiquement, le Québec a été colonisé par la France puis conquis par la Grande-Bretagne qui a poursuivi la colonisation avec les loyalistes et des immigrants britanniques jusqu’à ce qu’ils composent la majorité de la population. Or, c’est à la faveur de l’Acte d’Union de 1840 qui a unifié le Bas et le Haut-Canada pour former The Province of Canada, que les Québécois ont été mis en minorité puis annexés carrément dans l’ensemble canadien. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 est venu confirmer cette annexion tout en concédant aux Québécois une province parmi les 4 d’alors. Or, Séguin tire des leçons de l’histoire une conclusion implacable : l’annexion prolongée conduit inexorablement à l’assimilation comme c’est le cas des Cajuns de Louisiane.
Plus précisément, Séguin définit l’annexion comme un remplacement dans l’agir par soi collectif. Une nation minoritaire qui ne dispose pas d’un état national indépendant est privée de l’habilité de prendre des initiatives, d’en tirer des expériences et de développer des habitudes. C’est son épanouissement qui est non seulement limité mais compromis. La disposition d’un état provincial ayant des responsabilités partielles ne change rien à la situation. Au mieux, la nation annexée assume la gestion des routes, de l’éducation et de la santé, mais elle est exclue des leviers fondamentaux de l’économie et des affaires extérieures.. En d’autres mots, une nation majoritaire, la nation canadian, impose sa suprématie à la nation minoritaire, la nation québécoise. Le fait que le chef du gouvernement de la nation majoritaire origine de la nation minoritaire ne fait qu’accroître la confusion dans les esprits puisque celui-ci doit toujours adopter la politique et les intérêts de la nation majoritaire. Le meilleur exemple est celui sir Wilfrid Laurier, premier francophone à devenir premier ministre du Canada, qui, mis en minorité par son propre conseil des ministres anglophones, a dû entériner l’élimination du français comme langue officielle de l’Alberta et de la Saskatchewan lors de la création de ces provinces en 1905.
Cette situation représente aux yeux de Maurice Séguin un cas d’oppression nationale essentielle. Il avoue que l’oppression nationale est un concept difficile à comprendre. En effet, hormis quelques exceptions comme le cas de Louis Riel, l’oppression nationale ne consiste pas à s’en prendre aux individus mais plutôt au lien même, au mortier, qui unit cette nation. Les multiples décisions de la Cour suprême du Canada qui ont invalidé au fil des ans plusieurs dispositions de la loi 101 en sont la manifestation. D’ailleurs Maurice Duplessis n’hésitait pas à comparer la Cour suprême à la tour de Pise en affirmant qu’elle penchait toujours du même côté. Puisque les juges de la Cour suprême sont nommés par le chef du gouvernement canadian, qu’ils émanent en majorité de la nation majoritaire, il découle de soi qu’ils appliquent la politique de la nation majoritaire. D’ailleurs, la promotion des droits individuels grâce à la Charte canadienne des droits se fait au détriment des droits collectifs de la nation québécoise. La nation majoritaire n’a pas à défendre ses droits collectifs. Elle les exerce. Elle a à son service un gouvernement national qu’elle domine et neuf gouvernements provinciaux. Elle forme la nation dominante au Canada sur tous les plans interne et externe. Reste aux Québécois un gouvernement provincial qui les réduit à la portion congrue de leur vie nationale.
Il est juste de dénoncer les fédéralistes comme des impérialistes qui continuent de nous maintenir dans un état d’infériorité comme s’ils voulaient que les conséquences de leur conquête militaire de 1759 se poursuivent inexorablement. Les impérialistes nous rapetissent dans un état provincial où les empiètements du fédéral se multiplient à la faveur d’un déséquilibre fiscal persistant nous maintenant dans un état de dépendance où la force des armes est remplacée par le poids du nombre, démocratie oblige. Toutes les tentatives de réforme du fédéralisme canadien depuis un demi-siècle ont lamentablement échoué. Aujourd’hui, cette perspective est reléguée aux calandres grecques par ses plus fidèles défenseurs. Il en sera toujours ainsi puisque la nation canadian majoritaire ne renoncera jamais à sa suprématie et qu’elle prendra tous les moyens pour nous l’imposer : actions illégales de la GRC au Québec dans les années 70, 400 millions en commandites pour nous intoxiquer sur les bénéfices du fédéralisme depuis 1995.
3. Quels choix s’offrent à nous
Au regard de l’histoire, il n’y a que deux voies réalistes qui se présentent aux Québécois : l’assimilation ou l’indépendance. Séguin insiste sur le fait que l’assimilation ne constitue pas un cataclysme subit. Il s’agit plutôt d’une assimilation tranquille par laquelle l’attraction que constitue la nation majoritaire érode peu à peu la nation minoritaire. Les transferts linguistiques s’initient d’abord au travail et évoluent progressivement vers la langue parlée à la maison. Les élites sont les premiers séduits par les perspectives offertes par la nation majoritaire puis lentement et sûrement le reste de la population est entrainé. Cela peut prendre plusieurs siècles avant de compléter l’assimilation, mais elle est inexorable. Que reste-il de la nation Cajun en Louisiane que le rouleau compresseur américain a reléguée au folklore non par la force des armes comme avec les indiens mais par simple attraction d’un côté et attrition de l’autre? Les données des derniers recensements au Canada démontrent aussi une diminution constante du nombre de Canadiens-français hors-Québec parlant encore français à la maison, exception faite de la péninsule acadienne. Les Québécois ont fait la démonstration dans leur histoire que la revanche des berceaux est illusoire et que le repli sur soi est le prélude d’une longue agonie.
Pourtant la solidité de l’économie québécoise, son produit intérieur brut par habitant, le classe parmi les 20 nations les plus riches du monde. Or, au même moment, le gouvernement du Québec est aux prises avec un déficit et voit sa marge de manœuvre budgétaire rétrécir d’année en année pour faire face à des besoins croissants ne serait-ce qu’aux niveaux des soins de santé et de l’éducation. Comment se fait-il qu’une nation aussi riche tire le diable par la queue? La raison en est fort simple : la moitié de nos ressources fiscales est accaparée par le fédéral qui s’en sert à d’autres priorités ou en dédoublant les politiques de notre État national. Cet argent nous fait cruellement défaut simplement pour assurer notre développement. Chaque année qui passe nous enfonce plus profondément, notre déficit accumulé augmente et notre inaction nous fait pelleter en avant, vers les générations à venir, les responsabilités que nous hésitons d’assumer. Il est urgent de rapatrier la perception intégrale de nos ressources fiscales afin de les utiliser pour notre développement propre. Au delà des considérations de fierté nationale, l’indépendance du Québec est une nécessité économique pour mettre fin à ce gaspillage éhonté où en plus, la nation majoritaire force la nation minoritaire à contribuer financièrement à sa politique même si elle s’y oppose majoritairement, comme pour la guerre en Afghanistan.
En effet, il y a dans le budget fédéral un poste qui accapare une portion croissante de nos ressources fiscales. C’est la défense. Cela constitue un choix majeur de société. Voulons-nous vivre dans un état militariste ou pacifiste? A lui seul, le Québec contribue bien malgré lui pour environ 5 milliards de dollars chaque année au budget canadien de la défense. Si on soustrayait le coût d’un milliard de dollars d’une garde nationale, un Québec indépendant pourrait se déclarer pacifiste au même titre que la Suisse et le Mexique. Nous dégagerions là une marge de manœuvre additionnelle de quatre milliards. Avons-nous besoin comme société de plus de soldats ou de plus de médecins et d’infirmières, d’enseignants et d’éducateurs spécialisés? Avons-nous besoin de moderniser nos armements ou de moderniser nos institutions de santé et d’éducation? C’est ici que l’économie rejoint le politique. Nous devons être un État indépendant afin d’avoir une politique étrangère qui reflète nos véritables valeurs pacifistes et conséquemment consacrer à notre défense ce que nous croyons nécessaire et non ce que d’autres nous imposent.
Or le gouvernement canadian n’a aucune légitimité au Québec. Il n’a que la force! D’abord la force des armes qui a permis à l’Empire britannique, dont le gouvernement canadian est l’héritier, de conquérir militairement la Nouvelle-France en 1760. Puis la force du nombre, à la faveur de l’Acte d’Union de 1840, où le Canada d’alors nous a mis en minorité pour mieux nous imposer sa suprématie.
Plus près de nous, les provinces canadian ont isolé et trahi le Québec en 1982. Seul, le Québec s’est vu impuissant devant le rapatriement unilatéral de la constitution. Depuis lors, aucun gouvernement du Québec, quelle que soit son orientation politique, n’a signé cette constitution imposée avec sa charte des droits. La constitution canadienne est donc nulle et non avenue au Québec. Elle contient une charte privilégiant les droits individuels au détriment des droits collectifs de la nation québécoise. La Cour Suprême du Canada l’interprète, au mépris du consensus québécois, comme ce fut le cas avec la Loi 104 qui freinait les transferts linguistiques des allophones via des écoles passerelles, pour s’acheter le droit de fréquenter l’école publique anglaise éternellement.
La tenue d’élections ne rend pas le gouvernement canadian plus légitime. Depuis 20 ans, les deux tiers des députés du Québec à la Chambre des communes sont du Bloc québécois qui revendique la pleine souveraineté du Québec. Malgré cela, la dictature de la majorité canadian impose son rouleau compresseur sur les besoins du Québec et dans son seul intérêt.
Lors du référendum de 1995, le gouvernement canadian a accordé la citoyenneté à des immigrants récents qui n’y avaient pas droit, en plus de déverser des millions de dollars en propagande. Rappelez-vous le «Love-In», en violation flagrante des lois du Québec qui établissent l’équité dans le financement des consultations populaires. Suivra le célèbre programme des commandites. Il s’en eut fallu de peu que le Québec devienne indépendant. Poussant le mépris jusqu’à la déraison, la Chambre des communes a adopté la Loi sur la clarté où elle s’arroge le droit de décider de la majorité requise lors d’un référendum, après coup, fixant ainsi les règles du jeu après que la partie soit jouée, comme si la démocratie perdait tout son sens dans la poursuite de l’unité canadian. Les Anglais ont brûlé le parlement canadien en 1849.
Force nous est de constater, que malgré la volonté affichée depuis le rapport Durham de 1840, le Canada a échoué lamentablement à assimiler la nation québécoise et à l’intégrer dans la nation canadian. Le multiculturalisme est la dernière invention canadian qui nie aux Québécois le droit d’exister comme nation distincte et indépendante.
Pire encore, le nationalisme québécois est dénoncé comme raciste alors que le nationalisme canadian serait une vertu, celle de l’envahisseur, du conquérant par rapport au conquis. La conquête est terminée! Après 250 ans de résistance à l’occupation et malgré la collaboration de certains des nôtres, le temps est venu d’exercer légitimement tous les pouvoirs d’un État souverain.