Le principe essentiel de la stratégie de l’action non-violente est celui de non-collaboration. Il repose sur l’analyse suivante : dans une société, ce qui fait la force des injustices du désordre établi, c’est la complicité, c’est-à-dire la coopération passive, volontaire ou forcée, de la majorité silencieuse des citoyens. La résistance non-violente vise à rompre cette complicité par l’organisation d’actions collectives de non-coopération avec les structures sociales, économiques ou politiques qui engendrent et maintiennent ces injustices.
Les puissants qui veulent imposer leur bon vouloir à un groupe social ou à une collectivité politique ont pour principal pouvoir celui que leur donnent ceux qui, bon gré mal gré, coopèrent avec eux. Il s’agit, dès lors, d’organiser la résistance en appelant chaque membre de ce groupe ou de cette collectivité à retirer son soutien aux puissants, les privant ainsi des concours dont ils ont besoin pour assurer leur domination. La contrainte devient effective à partir du moment où les actions de non-coopération parviennent à tarir les sources du pouvoir des autorités établies qui n’ont plus les moyens de se faire respecter et obéir. Ainsi un nouveau rapport de force peut s’établir qui permet aux résistants d’exercer leur pouvoir et de faire reconnaître leurs droits.
Dans cette perspective, la stratégie de l’action non-violente vise à organiser des actions de non-collaboration avec les institutions, les lois, les idéologies, les régimes, les États qui portent atteinte aux libertés et aux droits de l’être humain. L’objectif à atteindre est de paralyser les rouages essentiels des divers mécanismes d’exploitation ou d’oppression afin de rétablir l’État de droit.
En réalité, face à l’injustice, les hommes sont beaucoup plus tentés de se résigner à la collaboration que de recourir à la violence. Le mot de « collaboration » évoque généralement l’attitude de ceux qui pactisent avec l’ennemi, mais il convient de lui donner une acception beaucoup plus large : la collaboration est l’attitude de tous ceux qui pactisent avec l’injustice du désordre établi. Aussi ne convient-il pas tant d’opposer la non-violence à la violence d’une minorité, que d’opposer la non-violence à la collaboration de la majorité.
Dans un premier temps, cette non-coopération peut s’organiser dans le cadre même de la légalité. Il s’agit d’épuiser toutes les possibilités qu’offrent les moyens légaux dans le fonctionnement normal des institutions démocratiques de la société. Mais lorsque celle-ci n’offre plus de moyens permettant de combattre efficacement l’injustice, alors la résistance non-violente doit s’engager dans des actions de désobéissance civile.
Il arrive souvent que les hommes collaborent avec l’injustice dont ils sont les victimes et deviennent eux-mêmes les acteurs des maux qu’ils subissent. Cette collaboration rend les opprimés co-responsables de l’oppression. Les opprimés se trouvent ainsi enfermés dans un processus de « victimisation » qui leur fait regarder leur oppression comme une fatalité devant laquelle ils ont le sentiment d’être totalement impuissants. Le premier acte de la résistance est de refuser d’être victime, d’opposer à l’injustice un « Non » qui défie la fatalité.
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