L’indépendance est indispensable pour mettre fin à la situation du Québec comme nation annexée par le Canada anglais, situation dans laquelle il n’y a d’autre avenir que l’assimilation tranquille et les luttes défensives pour maintenir notre intégrité comme peuple.
Le système « fédéral » canadien est le tombeau du fait français au pays. Les données statistiques du plus récent recensement au Canada (2006) confirment le déclin inexorable du français en ce pays. Un nouveau seuil est atteint alors que les citoyens de langue maternelle française ne représentent plus que 21,6 % au Canada et que nous sommes même passés sous la barre des 80 % pour ce groupe de locuteurs au Québec (79,1 %).
Si les francophones du Canada ont pu maintenir leur poids démographique de 1867 jusqu’à la première moitié du XXe siècle grâce à un exceptionnel taux de natalité malgré les lois anti francophones, une chute dangereuse s’est amorcée depuis les années 1950, aggravée par l’immigration et le multiculturalisme canadien.
Déclin de la population de langue maternelle française au Canada
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* = le critère est celui de l’origine ethnique. Celui de la langue maternelle est apparu dans le recensement de 1931. Pour la période suivant 1867, les données que nous avons sont approximatives.
** = Ces chiffres tiennent compte de la correction pour le dénombrement.
Le tableau qui précède montre l’évolution de la population de langue maternelle française au Canada depuis la Conquête. À l’extérieur du Québec, entre 1951 et 2006, la proportion de Canadiens de langue maternelle française est passée de plus de 50% au moment de l’Acte d’Union de 1840, pour atteindre le taux alarmant de seulement 4,1 % en 2006. Le déclin du français comme langue d’usage à la maison hors Québec est encore plus inquiétant. Les personnes ayant le français comme langue d’usage à la maison ne sont plus que 2,6 % hors-Québec.
Le tableau suivant montre le taux d’assimilation croissant des francophones hors-Québec, soit le % de personnes de langue maternelle française qui ne parlent plus le français à la maison. Ce taux varie de 44,7 % à 75,4% dans toutes les provinces canadiennes sauf le Nouveau-Brunswick. Même dans cette province, ils en légère augmentation.
Taux d’assimilation des francophones par province canadienne.
Ont | Man | Sask | Albta | C.B. | NB | IPE | NE | TN | |
1971 | 26,9 % | 34,6 % | 49,6 % | 51,2 % | 69,7 % | 7,7 % | 40 % | 30,8 % | 37 % |
1991 | 36,7 % | 50,7 % | 67,2 % | 64,4 % | 71,8 % | 8,4 % | 47 % | 40,7 % | 53,1 % |
2006 | 44,7 % | 57,4 % | 75,4 % | 70,7 % | 74,1 % | 11,9 % | 53,8 % | 50,3 % | 68,4 % |
Lorsqu’on regarde ces chiffres et les lois anti-francophone énumérées en annexe, on ne peut que constater que le Canada s’est construit sur une volonté d’assimiler la gênante minorité francophone du pays, non seulement par l’immigration massive, mais par des lois et des règlements anti-francophones et assimilateurs. Le français a été interdit dans l’éducation et comme langue officielle dans toutes les provinces canadiennes sauf le Nouveau-Brunswick. Aucune université et aucun hôpital complètement en langue française n’existe à l’ouest du Québec (Ottawa et Sudbury sont des université bilingues).
Ce portrait du déclin du français au Canada est déprimant et révoltant. Les lois linguistiques anti-francophones canadiennes ont réussi à annihiler en grande partie la présence française au Canada, ce qui fait que les francophones des provinces canadiennes-anglaises ne représentent plus une masse critique pouvant soutenir des institutions qui assureraient la pérennité de leur communauté. On peut bien aujourd’hui essayer de faire croire au caractère bilingue du Canada, alors que la réalité est tout autre. C’est ce que constatait déjà en 1905 le premier ministre Sir Wilfrid Laurier, impuissant devant son cabinet anglophone lors de la création de la Saskatchewan et de l’Alberta comme provinces unilingues anglaises : « Chaque fois que je retourne dans ma province (le Québec), je regrette d’y constater qu’un sentiment y existe que le Canada n’est pas fait pour tous les Canadiens. Nous sommes forcés d’arriver à la conclusion que le Québec seul est notre patrie, parce que nous n’avons pas la liberté ailleurs. »1
Même un premier ministre du Canada originaire du Québec ne peut contrer la démarche anti-francophone inscrite dans les gênes du Canada, même appuyé par la résistance héroïque des francophones hors-Québec qui luttent avec acharnement pour leur survie. À partir des années 1960, cette résistance doublée de la menace indépendantiste au Québec a permis quelques gains. Mais c’était trop peu, et trop tard. Les dés sont jetés. Le Canada ne sera jamais un État binational comme le souhaitaient les Québécois. Seul le Québec est notre État-nation.
2. L’anglicisation se poursuit à Montréal et a tendance à s’étendre dans les régions voisines.
Le Canada a réussi à circonscrire le français au Québec et dans les régions des deux provinces voisines adossées au Québec. Selon un sondage récent2, près de 90 % des Québécois francophones estiment que la langue française est menacée à Montréal. Qu’en est-il?
Globalement, le schéma ci-contre montre que, dans la région métropolitaine de Montréal, 20 000 francophones et 160 000 allophones sont passés à l’anglais en 2006, alors que seulement 145 000 allophones sont passés au français. Contrairement à ce qui se passe dans les autres provinces, la langue de la minorité a un pouvoir d’attraction supérieur à la langue de la majorité francophone. Cette situation anormale montre la fragilité du français, même au Québec.
Le tableau suivant montre que pour l’ensemble du Québec, la population de langue maternelle française a glissé sous la barre de 80%, aux deux-tiers dans la grande région métropolitaine et sous le seuil psychologique de 50% sur l’ile de Montréal. Les résultats pour la langue d’usage sont un peu meilleur grâce aux québécois issus de l’immigration qui adoptent le français. Cependant, l’anglais comme langue d’usage dépasse de beaucoup la proportion d’anglophones selon la langue maternelle (8,3%), atteignant (17,7%) dans la région métropolitaine et le (25,4%) sur l’ile de Montréal.
Évolution de la population selon la langue maternelle et la langue d’usage
(Données des recensements corrigées pour le sous-dénombrement).
Une autre façon de comprendre le phénomène est le concept d’indice de vitalité linguistique (IVL). Il s’agit simplement, pour chaque groupe linguistique, de diviser le nombre de locuteurs selon la langue d’usage par le nombre de locuteurs langue maternelle. Un quotient d’IVL inférieur, égal ou supérieur à 1 indique une vitalité faible, stable ou forte, c’est-à-dire que le groupe linguistique perd, conserve ou gagne des locuteurs.
L’indice pour le français se maintient légèrement au dessus de 1, alors que celui de l’anglais est en croissance, l’écart entre les deux indices
s’élargissant sans cesse, de 1,19 en 1971 à 1,34 en 2006. Pire, l’IVL de l’anglais pour la région métropolitaine tend à rejoindre celui de l’île de Montréal (1,32 en 2001), et même à le dépasser dans le cas de Ville de Laval (1,86 en 2006), la région qui s’anglicise le plus rapidement.
Publiée au printemps 2010, l’étude commandée par le député Pierre Curzi contient une analyse fouillée de la situation du français3. L’étude met en évidence les conclusions suivantes :
- 49,8 % des résidants de l’île de Montréal ont comme langue maternelle de français. Cette proportion était de 53,2% en 2001 en baisse de 3,4% en cinq ans. À ce rythme, la proportion des francophones dans la métropole pourrait atteindre 43% en 2016
- 787 885 personnes ont l’anglais comme langue d’usage au Québec. C’est 40 990 personnes de plus que cinq ans auparavant. En comparaison, les personnes qui utilisent le français comme langue d’usage n’ont augmenté que e 2,8% pour la même période.
- Les résidents de Montréal qui utilisent l’anglais comme langue d’usage ont augmenté de 3,3% entre 2001 et 2006. Au même moment, les citoyens de l’île utilisant le français comme langue d’usage ont diminué de 1,7%.
3. Le financement des CEGEP, des universités et des hôpitaux anglophones favorise l’anglicisation des québécois
Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse du français au Québec, particulièrement à Montréal. Certains relèvent du Gouvernement fédéral qui refuse de soumettre ses organismes et les entreprises à charte fédérale aux exigences de la loi 101. D’autres sont de la responsabilité du Gouvernement du Québec qui craint les poursuites devant la Cour suprême du Canada en vertu de la constitution de 1982 et de la Charte des droits fédéral. D’autres enfin, tiennent à la mentalité provincialiste qui marque le Québec depuis les débuts de la « confédération » de 1867. Dans cette section, nous examinons la situation dans les institutions d’enseignement supérieur ou de santé où l’anglais occupe une place démesurée par rapport à la population de langue maternelle anglaise.
La loi 101 ne s’applique pas dans l’enseignement postsecondaire (collèges et université). Or, on constate que les collèges et universités sont des lieux d’anglicisation importants pour les jeunes allophones et même pour un grand nombre de francophones.
L’analyse de l’Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA)4, a montré l’ampleur du transfert à l’anglais entre le secondaire et le collégial. En résumé, les effectifs étudiants au cégep anglais sont composés de moitié par des allophones (32%) et des francophones (16%).
Les études dans un CEGEP anglais favorisent l’utilisation de l’anglais dans toutes les sphères de la vie quotidienne :
- Moins de la moitié des étudiants de Cégep anglais utilisent principalement le français dans les commerces, comparativement à 96% dans les cégeps français.
- Seulement 43,3 % des étudiants de cégep anglais utilisent le plus souvent le français au travail, comparativement à 89% dans les Cégeps français.
- Mis à part les francophones, moins de 5% des étudiants des cégep anglais utilisent le français à la maison (non francisation des allophones)
- Seulement 15 % des étudiants allophones des Cégep anglais fréquentent des amis francophones au travail, comparativement à 85% dans les Cégeps français.
- Moins de 4 % des étudiants de Cégep anglais préfèrent écouter des films en français, comparativement à 61% dans les Cégeps français.
- Environ 20 % du temps d’écoute est consacré aux émissions en français par les étudiants des cégep anglais, comparativement à 64% dans les Cégeps français.
L’étude commandée par Pierre Curzi en 2010 montre un phénomène semblable au niveau universitaire. Près d’un allophone sur deux réalise ses études universitaires en anglais. En 2003, presque un étudiant sur quatre au Québec avait choisi de faire ses études universitaires en anglais, même si la population anglophone ne représentait que 8,8 % de la population totale du Québec.
En ce qui concerne le financement des universités, le déséquilibre est encore plus grand.5 Les chiffres montrent que le système universitaire anglo-québécois est financé à un niveau qui dépasse de loin la proportion d’anglophones au Québec. Le système universitaire francophone quant à lui, est financé en-dessous du poids démographique des francophones. Tant les gouvernements fédéral que provincial cautionnent ce sous-financement du système franco-québécois.
- En 2002-2003, le gouvernement du Québec versait 76,8 % du financement pour l’enseignement supérieur aux universités francophones et 23,2 % aux universités anglophones. Les universités anglophones sont financées presque au triple du poids démographique des anglophones au Québec.
- De son côté, le gouvernement fédéral faisait encore mieux, la « Canadian Foundation for Innovation » versait en 2002-2003, 33 % du financement québécois aux universités anglophones en termes de fonds de recherche. Les anglophones récoltent plus du quadruple de leur poids démographique en subventions du gouvernement fédéral.
- Ce déséquilibre est également présent dans l’attribution des chaires de recherche du Canada. Les universités francophones obtiennent 230 chaires sur 302, soit 76,1 % du total tandis que les anglophones obtiennent 72 chaires sur 302, soit 23,8 % du total en 2002.
Le tableau suivant présente la situation d’ensemble au Canada, toujours en 2002-2003, quant au financement de l’enseignement universitaire en langue minoritaire dans chaque province, anglais pour le Québec, français dans les autres provinces.
On constate que les revenus totaux attribués au français dans les universités hors-Québec atteignaient 342 millions de dollars en 2002-2003. Comparativement, la part attribuée à l’anglais au Québec atteignait 1 milliard 227 millions de dollars, soit presque 4 fois celle attribuée au français hors-Québec.
Si l’on utilise le critère de la langue maternelle (599 787 anglo-québécois et 986 922 francophones hors-Québec en 2001) on peut calculer le ratio du % de financement par rapport au % de la population de la minorité. Un ratio de 1 signifierait une situation d’équité.
- En tenant compte de cette proportion, on peut donc dire que chaque anglo-québécois est financé six fois plus que chaque francophone hors-Québec pour ce qui est des revenus totaux. La disproportion est de 5 pour 1 en ce qui concerne les revenus des universités provenant du provincial, de presque 7 pour 1 ceux provenant du fédéral et de presque 10 pour 1 pour les revenus «autres».
- On remarque que les anglo-québécois, avec un ratio de 3,0 pour leurs institutions universitaires, sont la minorité dont les universités sont les mieux financées au Canada (voir tableau suivant).
- Toutes les autres provinces sous-financent leur réseau francophone de façon sévère.
- L’Ontario, la province la plus populeuse du Canada, ne finance aucune institution universitaire unilingue française malgré la présence de plus d’un demi-million de franco-ontariens sur son sol.
Les conséquences de ce sous-financement des universités de langue française, même au Québec, sont multiples.
- Le financement des institutions universitaires et la vitalité linguistique des communautés minoritaires sont liés. Une vitalité linguistique inférieure à 1 entraine une perte de locuteurs.
- Le recensement de 2001 indiquait au Québec que seulement 23% des francophones âgés de 25 à 34 ans détenaient un diplôme universitaire comparativement à 31% des anglophones de la même classe d’âge (les allophones ont un taux de diplomation de 30%).
- Les données du Ministère de l’éducation du Québec indiquent que pour 2002, les universités anglophones remettaient 29% des baccalauréats, 25% des maîtrises et 33% des doctorats. Il y a corrélation avec le sur-financement des universités au Québec.
- Si les institutions de langue française au Canada, étaient financées à la hauteur du poids démographique des francophones, c’est 615 millions de dollars de plus par année qui iraient aux universités francophones.
- le Québec est la seule province où les revenus des institutions de la majorité sont inférieurs au poids démographique de celle-ci. Rétablir l’équité aurait signifié en 2002-2003 un ajout de plusieurs centaines de millions de $ dans le financement des universités francophones du Québec. Le sous-financement des universités au Québec, c’est le sous-financement des universités francophones et le sur-financement des universités anglophones.
- Devant ces faits, il est évident que les ressources consacrées au financement des universités au Québec ne manquent pas. C’est leur répartition qui est injuste!
- En haussant de façon sans précédent les frais de scolarité des étudiants dans son récent budget, le ministre Bachand se livre à un véritable taxage des étudiants au profit de la minorité anglophone d’allégeance libérale afin qu’elle maintienne ses privilèges découlant de la conquête de 1760 et d’un colonialisme qui perdure.
Au niveau des hôpitaux, la décision du Gouvernement du Québec de construire deux centres hospitaliers universitaires, l’un de langue anglaise affilié à l’Université McGill et l’autre de langue française affilié à l’Université de Montréal, accorde à la communauté anglophone le même poids qu’à la communauté francophone à Montréal en ce qui concerne le financement de la santé, alors que les anglophones ne constituent que 25 % de la population de l’île de Montréal.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec a récemment instauré les réseaux universitaires de santé (RUIS). La province a été répartie en quatre réseaux, chacun étant desservi par l’une des quatre facultés de médecine, soit celle de l’Université McGill, celle de l’Université de Montréal, celle de l’Université de Sherbrooke et enfin, celle de l’Université Laval. Ces réseaux offrent des services cliniques tertiaires, d’enseignement et de recherche quisont coordonnés par la faculté de médecine, ainsi que par ses hôpitaux d’enseignement affiliés. Ainsi, le réseau de l’Université McGill couvre une partie substantielle du territoire du Québec, bien au delà de la proportion de la minorité de langue anglaise.
4. Seule l’indépendance peut mettre fin aux attaques sur le français et assurer le maintient et le rayonnement de notre langue nationale.
Le Québec s’est doté en 1977 de la Charte de la langue française après un débat qui a débuté avec la crise de Saint-Léonard, le bill 63 de la fin des années 60 et l’insatisfaisante loi 22 de Robert Bourassa. Ce vaste débat démocratique a établi un régime accepté par la très grande majorité des citoyens de toutes origines, faisant du français la langue officielle et commune dans la sphère publique.
Or cette « longue marche » de la démocratie québécoise pour consolider sa langue nationale, a été invalidé à plusieurs reprises la Cour suprême du Canada qui a biffé quelques 200 articles de la Charte du français, dont la plus récente a conduit à la légalisation des écoles passerelles qui permet à des parents fortunés d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise, même s’il n’y avait pas droit auparavant.
La Cour Suprême dans ses jugements s’appuie sur l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée par le parlement fédéral dans la loi constitutionnelle de 1982. Cette Charte est constitutionnalisée ce qui signifie que chaque loi au Canada, y compris celles adoptées au Québec, peut être contestée en regard de la Charte et potentiellement invalidée en regard de la Constitution canadienne par des juges majoritairement anglophones, nommés par le Gouvernement canadien. Cela a pour effet de permettre l’annulation des lois promulguées par l’Assemblée nationale en vertu d’un texte constitutionnel que le Québec n’a jamais signé, lequel ne tient pas compte ni des aspirations fondamentales, ni du besoin réel du Québec de pérenniser sa langue et sa culture. Plus précisément, l’article 23 a été conçu explicitement pour contrer la loi 101 sur la langue d’enseignement de façon à étendre aux parents ayant fait leurs études en anglais n’importe où au Canada, le droit d’inscrire leurs enfants à l’école anglaise.
Or la loi constitutionnelle de 1982, certains l’oublient parfois, a été adoptée par le parlement canadien sans le consentement du Québec, comme si ce dernier n’était qu’une colonie dont l’approbation n’était pas requise. Il n’y eut aucune consultation de la population du Québec, aucun référendum. nationale s’y est opposée fermement et aucun de nos gouvernements successifs, quels que soient les partis au pouvoir, n’a accepté d’y opposer sa signature jusqu’à ce jour.
Cette situation où le régime canadien invalide régulièrement les lois du Québec ancre l’idée selon laquelle les prises de position et les lois de l’Assemblée nationale du Québec, notamment en faveur du français, même approuvées unanimement par tous les partis politiques, ne sont pas importantes puisqu’elles peuvent être invalidées en regard de la constitution canadienne. Ce projet de loi est néfaste parce qu’il engendre une incertitude sur les règles linguistiques au Québec, un doute sur la légitimité de la démarche du Québec, une invitation aux citoyens à se dissocier de la nation québécoise et de la langue commune, ciment de la nation. Dans un tel contexte qui perdure, comment se surprendre de la progression de l’anglais à Montréal, des difficultés d’intégration des allophones déchirés entre deux langues et deux nations, de la réaction des citoyens qui sont fiers de leur appartenance au Québec et qui voient notre identité nationale menacée.
Un autre effet important de la diminution de la proportion des francophones au Canada est une réduction de notre influence au parlement fédéral. Au moment de son entrée dans la « Confédération » en 1867, le Québec s’était fait octroyer 65 députés sur un total de 181, soit 34,2 %. Au cours des 70 années suivantes, la création de nouvelles provinces a fait passer les effectifs du Parlement fédéral à 245 sièges, mais la représentation québécoise, demeurée la même, n’en constituait plus que 26,5 %. Selon le nouveau mode de calcul introduit par le Gouvernement Harper avec le projet de loi C-56, peu après l’élection québécoise de mars 2007, l’ensemble de la députation augmentera de 308 à 330, essentiellement au profit de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. La proportion d’élus québécois baissera donc de 24,4 % à 22,7 %. « Malgré la motion unanime de l’Assemblée nationale et les protestations du Bloc québécois, le gouvernement Harper n’a de toute évidence aucune intention de faire une quelconque exception au principe de la représentation selon la population pour maintenir le poids politique du Québec. »
Or pendant que le pouvoir francophone s’effrite inéluctablement à Ottawa, l’emprise du pouvoir canadien augmente sur les affaires du Québec. Le pouvoir de dépenser du gouvernement canadien dans les champs de compétences provinciales est maintenant reconnu et accepté par toutes les autres provinces depuis l’adoption de l’accord sur l’union sociale en 1999 auquel toutes les provinces sauf le Québec ont souscrit et qui reconnait le pouvoir d’Ottawa de dépenser dans les champs de compétence des provinces, sans que celle-ci n’ait un pouvoir de retrait avec compensation financière. Le gouvernement central est devenu de fait, « le » gouvernement montant au Canada, prenant de plus en plus la place des gouvernements provinciaux dont le Québec, même dans leurs domaines de juridiction exclusive selon la constitution canadienne.
Pour consolider notre identité nationale et établir une véritable solidarité entre Québécois de toutes origines, il est indispensable que nous ayons le plein contrôle de nos politiques culturelles nationales, de nos outils de support à la culture, notamment la réglementation de la radio, de la télévision et des télécommunications, ainsi qu’une capacité accrue de réinvestir dans l’éducation nationale.
En particulier, tout le secteur des communications est vital comme moyen éducatif et culturel, mais aussi en tant qu’élément central de la nouvelle économie. Tout ce secteur est essentiellement géré par le Gouvernement fédéral et ses créations comme le Conseil de la Radio et de la Télévision Canadien (le CRTC). Dans un Québec contrôlant ses communications, on pourrait établir une prépondérance de stations de diffusion de langue française. On pourrait également faire de Télé-Québec une véritable télévision nationale présente dans toutes les régions, créer des instruments communautaires et éducatifs de télédiffusion, réglementer la publicité en ondes en fonction de nos valeurs.
Le Québec veut devenir dans les faits un état français dans lequel la capacité de parler français deviendra un avantage compétitif pour obtenir de l’emploi, pour travailler et participer à la vie de la nation sur tous les plans. Le partage d’une langue et de valeurs communes par tous les québécois est la meilleure garantie que le dynamisme de tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethno culturelle, soit pleinement soutenu et intégré en vue du bien collectif et de l’essor de la nation. Le contrôle complet de nos compétences culturelles et de notre immigration, la présence d’ambassades et de bureaux du Québec, prioritairement dans les pays de la francophonie, nous assureront que les nouveaux immigrants acceptent avec enthousiasme de s’intégrer dans un pays de langue française, tout en soutenant le rayonnement de la culture et de l’expertise québécoise à l’étranger.
Notes
1. Rosario Bilodeau et autres, Histoire des Canadas, Montréal, Hurtubise HMH, p. 480.
2. Le Devoir, 22 juin 2009.
3. Pierre Curzi, Le grand Montréal s’anglicise – esquisse du vrai vissage du français au Québec (Analyse de la situation), Printemps 2010. NB : ces chiffres ne tiennent pas compte de la correction au dénombrement qui empire davantage le tableau en défaveur du français.
4. IRFA, Le choix anglicisant – Une analyse des comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’île de Montréal, 7 septembre 2010.
5. F. Lacroix et P. Sabourin, « Financement des universités, le non-dit », L’Action nationale, octobre 2004.
Annexe
Liste partielle des lois et règlements anti-français au Canada, 1867-2006
Ontario : Population de langue maternelle française : 4,2 % en 2006. Taux d’assimilation des francophones : 44,7%
- 1891 : Le ministre de l’Éducation de l’Ontario, George W. Ross, décrète l’abolition des manuels en langue française.
- 1912 : Entrée en vigueur du Règlement 17, cautionné par le gouvernement fédéral, afin d’abolir l’éducation en français.
- 1913 : L’Ontario décrète que le français ne devrait pas être utilisé dans les écoles après la 1re année du primaire.
- 1979 : Penetanguishene est le théâtre d’une véritable guerre linguistique alors que les anglophones s’opposent aux écoles françaises.
- 1997 : La Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario annonce la fermeture de l’Hôpital Montfort, seul hôpital francophone de l’Ontario. Celui-ci sera maintenu après une lutte héroïque des francophones de l’Ontario.
Manitoba : Population de langue maternelle française : de 50% en 1870 à 4,2 % en 2006; 42,% d’entre eux parlent le plus souvent français à la maison (1,8% pour l’ensemble de la population)
- 1870 : Après la révolte des Métis français menée par Louis Riel, le Manitoba Act reçoit la sanction royale le 12 mai. Le Manitoba joint la confédération canadienne.
- 1890 : La législature du Manitoba vote la suppression de la langue française comme langue officielle de la province. C’est le Official Language Act.
- 1916 : Une nouvelle loi scolaire est adoptée par le gouvernement libéral du Manitoba. La loi Thornton supprime les écoles bilingues (la demi-heure d’enseignement religieux en français ou dans une autre langue autorisée en 1896). L’éducation en français est alors totalement interdite.
- 1972 : L’an 1 de l’Unicity, soit le fusionnement forcé de 12 municipalités rurales et urbaines de la région métropolitaine de Winnipeg. Saint-Boniface, seule ville française du Manitoba, cesse ainsi d’exister comme ville autonome, devenant un comité communautaire sans influence de la capitale manitobaine.
- Les lois anti-francophones ont joué leur rôle et la disparition du français comme langue d’usage est presque consommée. Il n’y a d’ailleurs aucun hôpital ni aucune université unilingue française à l’ouest d’Ottawa
Saskatchewan et Alberta: Le % des francophones parlant encore le plus souvent français à la maison est descendu de 25%, 0,6 % de l’ensemble de citoyens de ces provinces
- 1885 : Bataille de Batoche, en Saskatchewan, à l’issue de laquelle les troupes canadiennes écrasent les Métis français, dirigés par Louis Riel. Le pourcentage de la population d’origine française en Saskatchewan, qui s’élevait à 10,9 % en 1881, passe à 2,1 % en 1885 à la suite de la répression de la révolte métisse.
- 1905 : La Saskatchewan et l’Alberta deviennent des provinces canadiennes (Alberta Act et Saskatchewan Act). Comme au Manitoba en 1890, une seule langue est reconnue officiellement dans ces provinces : l’anglais.
- 1929 : Abolition complète de l’enseignement du français en Saskatchewan. Quelques écoles francophones réussissent tout de même à survivre
- 1944 : Après l’élection des néo-démocrates (NPD), ceux-ci s’assurent de l’élimination du français dans les régions rurales : un système de grandes unités scolaires vient mettre un terme à l’existence des petites écoles rurales francophones.
- 1965 : Des parents francophones de Saskatoon décident de retirer leurs enfants de l’école pour protester contre le règlement scolaire qui stipule que l’anglais est la seule langue d’enseignement (le français ne peut être utilisé qu’une heure par jour).
- 1987 : Le président de l’Assemblée législative de l’Alberta demande au député Léo Piquette de s’excuser pour s’être exprimé en français lors de la période des questions. Le 1er décembre, plus de 400 personnes protestent devant la Législature albertaine pour appuyer Léo Piquette. Celui-ci obtiendra le droit de s’exprimer en français après avoir fait distribuer une version anglaise de ses propos.
- 1988 : La Saskatchewan et l’Alberta adoptent une loi faisant de l’anglais la seule langue officielle de la province.
Colombie-britannique: Taux d’assimilation des francophones 74,1%; % de francophones parlant le plus souvent français sur l’ensemble de la population : 0,4%
Au début du XIXe siècle, les Canadiens de langue française comptaient pour 60 % de la population, mais ils se sont retrouvés minoritaires avant la fin du siècle, soit après la ruée vers l’or et l’arrivée massive d’immigrants anglophones. En 1901, les francophones ne constituaient déjà plus que 2,5 % de la population, et 1,1 % en 1931.
Territoires: Taux d’assimilation des francophones TNO : 58,3%, Yukon : 55,1%, Nunavut : 53 %; 1 % de parlants français sur l’ensemble de la population
- 1877 : La Constitution des Territoires-du-Nord-Ouest fait de l’anglais et du français les langues de l’Assemblée législative et des tribunaux.
- 1892 : Suppression, par ordonnance, des écoles catholiques (donc françaises) dans les Territoires-du-Nord-Ouest, qui sont sous juridiction fédérale, et suppression du français devant les tribunaux.
- 1988 : Adoption de la loi 60 abolissant les droits linguistiques des francophones dans les Territoires-du-Nord-Ouest, toujours sous juridiction fédérale canadienne.
Nouveau-Brunswick et Maritimes : Taux d’assimilation NB 11,9% en augmentation, TN 68,4%, IPE : 53,8%, NE : 50,3%
- 1755-1763 : La Déportation des Acadiens, effectuée sur l’ordre de la Couronne britannique, coute la vie à 10 000 personnes, surtout des enfants.
- 1864 : La loi Tupper, en Nouvelle-Écosse, supprime les écoles catholiques (donc françaises) dans la province.
- 1871 : L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, avec l’appui tacite du gouvernement fédéral, adopte la loi King ou Common Schools Act sur les écoles non-confessionnelles, qui proscrit l’enseignement de la religion et qui supprime le français dans l’éducation.
- 1875 : Les Acadiens qui refusent de payer la taxe scolaire en guise de protestation contre les lois anti-francophones sont harcelés.
- 1877 : Le Public School Act supprime les écoles catholiques (donc françaises) à l’Île-du-Prince-Édouard.
- 1945 : Création d’un ministère et d’un conseil de l’Éducation à l’Île-du-Prince-Édouard : les syndicats, les associations de pêcheurs, les chambres de commerce, les groupes de femmes et la légion canadienne siègent sur le Conseil, mais pas les francophones.